
Rendre le commerce international plus juste, rééquilibrer les rapports de force en faveur des producteurs locaux et favoriser une production écologiquement durable, voici les objectifs du commerce équitable. Mais alors quels sont les critères d'une production équitable et quels labels en apportent la garantie ? Qui sont les principaux acteurs du marché ?
Voici tout ce qu'il faut savoir sur le commerce équitable !
Le commerce équitable est une forme de commerce socialement équitable et respectueuse de l’environnement. Une production dite équitable doit garantir aux travailleurs une rémunération juste et adopter des pratiques écologiquement responsables.
Le commerce équitable se rapporte essentiellement aux échanges nord-sud du café, du thé, du cacao et des vêtements, mais aussi pour 1/3 aux échanges Nord-Nord des produits comme le pain, les confitures et les fruits et légumes.
C'est dans la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire que le commerce équitable est défini et plus précisément dans l'article 94 :
"Le commerce équitable a pour objet d’ assurer le progrès économique et social des travailleurs en situation de désavantage économique du fait de leur précarité, de leur rémunération et de leur qualification, organisés au sein de structures à la gouvernance démocratique , au moyen de relations commerciales avec un acheteur, qui satisfont aux conditions suivantes :
Chaque entreprise intervenant dans ces filières est en mesure de produire des informations relatives à la traçabilité des produits.
Les entreprises faisant publiquement état de leur appartenance au commerce équitable participent à des actions de sensibilisation et d’ éducation à des modes de production et de consommation socialement et écologiquement durables."
Depuis quand le commerce équitable existe-t-il ? C’est en 1946 que le commerce équitable voit le jour, d’une initiative venue des Etats-Unis. L’idée était d’acheter des produits artisanaux à des populations défavorisées de Puerto Rico.
Rapidement, une première organisation de commerce équitable apparaît sous le nom de SERRV Organization (Sales Exchange for Refugee Rehabilitation and Vocation), toujours aux Etats-Unis. Initialement dédiée à l’approvisionnement des réfugiés de la seconde guerre mondiale, elle s’est ensuite tournée vers l’ensemble des populations en difficulté.
En Europe, c’est l’organisation britannique Oxfam qui entame la première sa conversion au commerce équitable avec la vente de produits de réfugiés chinois. Se sont ensuite multipliées d’autres initiatives de ce type, notamment au Pays-Bas, avec la création du label Fair Trade Original en 1967 pour le sucre de canne et d’autres produits alimentaires.
Les premières ONG ou organisations non gouvernementales de commerce équitable suivent le mouvement au cours des années 60-70 avec une approche plus sociale, proposant aides et conseils aux petits producteurs dans le besoin. Appelé „commerce alternatif“ ou „Alternative Trade“, le commerce équitable apporte depuis une dimension sociale et solidaire au commerce.
Des principes d'équité, de justice sociale et de respect de l'environnement
Par opposition à un commerce international jugé inique, voire irresponsable, dans lequel de grandes sociétés multinationales, seulement intéressées par la maximisation du profit à court terme, dictent les prix aux petits producteurs et ne se soucient pas de leur impact sur l'environnement, le commerce équitable a pour objectif de rééquilibrer les rapports de force dans la négociation en faveur des producteurs locaux, en leur accordant notamment un prix juste.
Les acteurs du commerce équitable achètent aux petits producteurs et coopératives à un prix supérieur à celui du marché afin de soutenir, entre autres, l'innovation sociale, l'amélioration des conditions de travail et les équipements de production. Ces producteurs s'engagent en retour à respecter un certains nombre de critères sociaux et environnementaux.
Les efforts concédés sur le prix d'achat se reflètent a priori sur le prix de vente. Le café labellisé Fairtrade/Max Havelaar coûte donc en théorie un peu plus cher que le café habituel.
Les 5 critères du commerce équitable
Le commerce équitable se caractérise par un cahier des charges précis comprenant 5 grands critères :
Le commerce équitable ne se réduit pas pas aux produits alimentaires mais concerne également d’autres filières comme le textile, les cosmétiques ou encore l’artisanat. Les produits alimentaires en constituent toutefois l'écrasante majorité. De même, le commerce équitable ne se limite pas aux échanges nord-sud comme nous allons le voir.
La filière internationale du commerce équitable, c'est-à-dire l'ensemble des produits importés, représente 69% des ventes de produits issus du commerce équitable en France. Ces ventes se répartissent comme suit :
La filière française, c'est-à-dire l’ensemble des productions équitables “Made in France”, représente 31% des ventes du commerce équitable en France. C'est ce que l'on appelle parfois le commerce équitable Nord-Nord. Parmi ses différents produits, on trouve :
Il existe différents labels du commerce équitable qui correspondent à des critères plus ou moins exigeants.
Le commerce équitable est porté par de nombreux acteurs économiques et associatifs. Voici les plus connus :
L’Association Max Havelaar France, association à but non lucratif qui gère le label « Fairtrade/Max Havelaar » et dont le cahier des charges est établi par l'ONG Fairtrade International. A côté de l'ONG Max Havelaar France, l'organisation est présente dans 35 pays. 1600 coopératives de producteurs répartis dans 75 pays ont obtenu la certification Fairtrade. En tout, 1,6 millions de producteurs ont le label Fairtrade dans le monde. L'association Max Havelaar France fait la promotion du commerce équitable et met en place des programmes pour lutter contre les problèmes sociaux et écologiques (travail des enfants, destruction de la biodiversité, etc.).
Alter Eco est une marque de commerce équitable française. Labellisés “Fairtrade”, ses produits sont exclusivement issus de l’agriculture biologique : café, riz, chocolat. A sa création en 1998, Alter Eco n’était qu’une boutique spécialisée dans la vente de produits du commerce équitable. L'entreprise s'est ensuite développée puis a été rachetée en 2013 par le groupe “Bjorg, Bonneterre et Compagnie” spécialisé dans les produits bio. Alter Eco rassemble aujourd'hui 26 coopératives du monde entier, regroupant plus de 4 000 familles de producteurs.
Artisans du Monde est un réseau associatif spécialisé dans la distribution de produits issus du commerce équitable qui possède ses propres magasins et compte plus de 6 000 bénévoles. Organisée en filière intégrée de commerce équitable, Artisans du Monde exige que toutes le acteurs, de la production à la distribution, respectent les valeurs et les critères du commerce équitable. L'association propose également des formations professionnelles autour du commerce équitable.
Ethiquable est une Société Coopérative et Participative (SCOP) spécialisée dans la vente de produits bio et équitables tels que le café, le thé ou le chocolat. Travaillant avec 70 coopératives de petits producteurs, Ethiquable garantit la traçabilité de ses produits alimentaires tout au long de la chaîne d'approvisionnement et fait la transparence sur le pourcentage reversé aux coopératives de producteurs. Ethiquable possède le statut de coopérative avec une gestion démocratique, c'est-à-dire que le capital est détenu par les salariés, que chaque salarié vote selon le principe une personne = une voix et que le directeur d’Ethiquable est élu par les salariés actionnaires. Ethiquable fait en ce sens partie de l'économie sociale et solidaire (ESS).
La critique économique libérale consiste à dire que toute intervention extérieure, ici l'intervention des acheteurs équitables, ne fait que perturber l'équilibre du marché. En d'autres termes, le fait de payer un prix supérieur à celui du marché n'incite plus les producteurs à innover afin d'augmenter leur productivité ou de réduire leurs coûts puisqu'ils sont protégés de la concurrence. Le marché perd donc son rôle incitatif et régulateur, maintenant sur le marché des producteurs moins innovants et moins compétitifs. Du fait des prix garantis, ceux-ci seront ensuite incapables de réintégrer les circuits commerciaux classiques.
A cette critique, on peut répondre que le marché est déjà déséquilibré. En effet, les rapports de force sont disproportionnés dans le commerce international entre petits producteurs de pays du sud et grosses sociétés importatrices des pays du nord. Dans la pratique, un importateur qui achète 100% de sa production à un petit producteur a le pouvoir de lui faire baisser les prix au maximum. Il le rend également entièrement dépendant en lui achetant l'intégralité de sa récolte. La deuxième année, il lui fait encore baisser les prix et si ce dernier n'accepte pas, il trouvera un autre fournisseur. On voit bien à quel point il est difficile pour un petit producteur de lutter à armes égales dans ces conditions...
Certains ajoutent que le commerce équitable peut créer une sélection adverse (adverse selection), c'est-à-dire que le commerce équitable risque d'attirer principalement les producteurs les moins innovants, les moins compétitifs, les moins performants, au détriment des autres producteurs qui font bien leur travail.
A cette deuxième critique, il convient de dire que les labels du commerce équitable prévoient justement dans leur cahier des charges des critères économiques, sociaux et environnementaux que les producteurs se doivent de respecter. Le commerce équitable vise à créer des partenariats de long terme afin d'accompagner les producteurs dans l'amélioration de leurs outils de production.
Enfin, le commerce équitable tente de lutter contre les effets de la spéculation financière sur les marchés de matières premières agricoles. Considérée comme une dérive de la finance, la spéculation fait l'objet de critiques par de nombreux économistes. Les traders du monde entier parient et jouent sur les prix du blé, du mais, du café, etc., ce qui entraîne d'importantes fluctuations de prix. Or ceci peut mettre en difficulté les agriculteurs, paysans et petits producteurs, dépendants du niveau des prix de leur production. Le commerce équitable garantit un prix minimum en cas d'effondrement des cours (Fairtrade Minimum Price).
Certains pointent également du doigt l'impact environnemental du commerce équitable. Dans ce cas, il convient par exemple de comparer un producteur de café du commerce équitable à un producteur de café d'une filière non équitable. Or les producteurs ayant la certification Fairtrade doivent respecter des critères environnementaux que n'ont pas à respecter les producteurs n'ayant pas cette certification. De plus, près des 2/3 des producteurs du commerce équitable sont certifiés bio. L'idéal est bien sûr de consommer local en circuit court de proximité mais en ce qui concerne le café et autres produits importés, le commerce équitable offre de nombreuses garanties, ce qui est après tout le but d'un label.
Avec une croissance de 10% par an, le commerce équitable est un secteur en plein essor. Voici les chiffres clé du marché :